T002 Jours ordinaires, Elena Lespes Muñoz


« Ce détachement du réel, Sosthène Baran le cherche tout autrement. À l’affut d’une trace non-volontaire déposée sur la toile qui ferait signe malgré elle, le peintre est en quête d’une image qui ne s’énonce pas. Dans ses tableaux silencieux, les ombres passent, les silhouettes glissent et les fantômes se devinent. Même les cadres sont contaminés par cette évaporation latente, comme si la matière picturale habitée d’une force entropique absorbait tout à son entour, livrant et régurgitant ponctuellement des apparitions à sa surface. Traversé tant par les récits SF que par ceux d’inspiration mythiques, Sosthène Baran semble se livrer à un corps- à-corps ésotérique avec l’acte de peindre, cherchant à « atteindre quelque chose comme une peinture extraterrestre ». Les éléments chinés au hasard de ses dérives – porte, battant de bois, cadre de fenêtre, tête de lit – deviennent ses supports, dans un geste motivé tant par un désir de surgissement à l’endroit des choses déchues, que par une économie de moyens. Son travail de préparation des fonds, hérité de son activité de peintre-décorateur, fonctionne comme un mantra, un instrument de vision où les altérations successives de l’aplat, entre violence et douceur des frottements, ponçages et griffures, aspirent à l’inamissible. Une quête vaine tant les mirages semblent fragiles. En cela, la peinture de Sosthène Baran tient du fantastique, elle persiste dans une forme d’indécision, ne cherchant pas à inventer un monde, mais bien à interférer avec le déjà-là. »

Texte de Elena Lespes Muñoz pour un article dans la revue In-sert n°1 par RN13bis publié en mai 2022.